AccueilCultureA Toulouse, le sombre et fauve Eugène Onéguine de Stéphane Degout

A Toulouse, le sombre et fauve Eugène Onéguine de Stéphane Degout

Cette production toulousaine devait consacrer, en janvier 2021, la prise du rôle-titre d’Eugène Onéguine par Stéphane Degout. Mais le Covid-19 s’est invité et c’est au Théâtre de La Monnaie, à Bruxelles, que le baryton français a endossé, deux ans plus tard, en janvier 2023, le personnage phare du dandy cynique et désabusé, finalement terrassé par la passion amoureuse, que Tchaïkovski a musicalement modelé après s’être lui-même abreuvé aux sources du roman-poème du même nom d’Alexandre Pouchkine. Il s’agit donc d’une première en France. Dès l’ouverture du rideau, ce dimanche 23 juin, le bonheur est dans la fosse, où le chef allemand Patrick Lange, qui fait ses débuts au Capitole, a remplacé quelques jours plus tôt, quasiment au pied levé, Gabor Kali, déclaré forfait au sortir de la prégénérale, pour des raisons personnelles.

Lire la critique (2021) : Article réservé à nos abonnés Un « Eugène Onéguine » pâle comme la mort au Théâtre des Champs-Elysées

Cordes sensuelles et ardentes, bois chantants avec ce qu’il faut de verdeur ou de mélancolie, cuivres tour à tour mystérieux et rutilants : sous la direction épanouie de l’ancien Kapellmeister au Komische Oper de Berlin, l’orchestre de Tchaïkovski espère et tremble, respire et s’emballe, pénétrant les corps et les âmes. On danse avec les paysans fêtant les récoltes chez les Larine, le cœur bat la chamade lorsque paraît le jeune homme tant attendu par Tatiana. La nuit qui suit sera longue, qui livre à l’encre d’une lettre l’aveu d’une jeune fille éprise d’absolu. La clarté du jour claque comme un coup de feu – dédain de l’aimé, sa froideur cruelle. Puis le duel stupide et la mort de l’ami dont on a provoqué la jalousie par jeu. Partout, l’émotion est palpable.

Le metteur en scène Florent Siaud a trouvé dans le chef-d’œuvre tchaïkovskien un opéra où vivre, servi par les décors simples et élégants de Romain Fabre (un intérieur de datcha cossue, une forêt aux arbres spectaculaires) et les beaux costumes d’époque de Jean-Daniel Vuillermoz – cela fait du bien, de temps en temps, de revenir aux vertus de la littéralité. L’action s’y déroule sur deux niveaux : en bas, l’univers concret de l’intime et du familier ; en haut, une ouverture sur la nature, le sauvage, l’inconnu, symboliques des bouleversements qui peu à peu vont lézarder la vie tranquille des protagonistes.

Jeu diabolique

C’est par la forêt qu’arrivera le fauve Onéguine, animal nuisible, qui saccagera le cœur de Tatiana. Dans un espace nu et enneigé, quasi mental, les deux amis, tout de blancs vêtus, dans un salon dévasté par la tempête, s’affronteront tels des fantômes. Déjà en costume de voyage, Tatiana, silhouette furtive fuyant entre les troncs, s’effondrera avec la mort de Lenski. Sa vie d’avant achève de basculer.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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