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Avec la pièce « Terrasses », Laurent Gaudé orchestre un oratorio polyphonique sur les attentats du 13-Novembre

Dix-sept comédiens sur scène au Théâtre de la Colline, à Paris, forment la foule de celles et ceux qui, le 13 novembre 2015, ont vécu de plein fouet les attentats perpétrés à Paris et à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Victimes, familles, témoins, secouristes, infirmières, policiers : le texte de l’écrivain Laurent Gaudé est un enchaînement méthodique de monologues qui suivent un fil chronologique (avant, pendant et après les attaques). Moins de dix ans après la tragédie, l’auteur la passe au tamis de son écriture. Sans lyrisme excessif – malgré le surplus de phrases qui semblent parfois s’écouter elles-mêmes –, sa langue cherche le souffle poétique et épique qui saura convertir le réel en littérature.

Même s’il résulte d’une longue enquête préalable, Terrasses n’est donc pas un texte documentaire. Pas davantage la transcription retravaillée de propos recueillis. Les sources du dramaturge sont les traces journalistiques, historiques, politiques, qu’il a compulsées. Il ne livre pas un témoignage, mais un oratorio polyphonique et une élégie fictionnelle, puisque les paroles prononcées relèvent de sa seule imagination.

Le théâtre sait faire cela : ressusciter les morts, provoquer leur retour parmi les vivants et édifier pour eux un catafalque de mots. La cérémonie mémorielle qui se déploie dans la grande salle de La Colline est mise en scène par le Québécois Denis Marleau. L’artiste aménage un plancher de métal sombre qui se désarticule, s’incline par pans entiers, se redresse à l’oblique au-dessus de vides béants. Les acteurs circulent sur un sol anxiogène, troué de toutes parts.

Derrière eux, tenant lieu de paroi, un immense écran vidéo sur lequel sont diffusées des images en noir et blanc. Prises de vues allusives de rues sombres, de lumières qui tremblotent ou de rails de projecteurs suspendus. Rien de vraiment concret dans ces images monumentales qui dominent les silhouettes des interprètes. Elles ne sont pas là pour illustrer, mais pour suggérer un double hors-champ : les lieux assiégés et les états intérieurs des personnages.

Grandiloquence

Ce spectacle esthétisant, hiératique et mortuaire ne bouleverse pas. Il glace le sang. Parce qu’il creuse et recreuse sans relâche les raisons de s’inquiéter, de s’effrayer, de frémir et de sangloter, en déplaçant, de personnage en personnage, l’inéluctable constat d’un bain de sang qui, quoi que pensent, fassent, disent, les protagonistes, conclura la soirée du 13-Novembre. Quel est le but de cette litanie de l’impuissance et du désespoir mêlés ? Il se peut que ce cortège de paroles émeuve, répare et apaise certains spectateurs. Si tel est le cas, cela veut dire que le texte aura fait son office.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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