Une tourbière est une zone humide colonisée par la végétation et gorgée d’eau. Cela peut être une prairie où la nappe phréatique remonte la majeure partie de l’année, avec des plantes qui aiment avoir les pieds dans l’eau, des buissons, des arbres. « Cela peut aussi prendre la forme d’un marais avec beaucoup de roseaux, des herbacées, des mousses », indique Boris Brasseur, maître de conférence à l’Université Picardie Jules Verne. Il existe des tourbières à proximité de rivières ou bien sur des pentes où l’eau ruisselle.

Pourquoi appelle-t-on ces endroits des tourbières ? Comme ces milieux sont saturés en eau, la décomposition des débris végétaux est ralentie et cela produit de la tourbe, un certain type de terre, parfois jusqu’à vingt mètres de profondeur. D’ailleurs, la décomposition est tellement ralentie qu’on y a retrouvé des momies. Des centaines de cadavres humains extrêmement bien conservés ont été récupérés dans les tourbières au Danemark par exemple. Le plus emblématique est l’homme de Tollund. Son état de conservation est assez incroyable, on voit encore sa barbe de deux jours.

À part des momies (parfois), les tourbières accueillent surtout des animaux vivants. On y trouve beaucoup d’insectes comme les libellules, des plantes, des amphibiens comme les grenouilles, des oiseaux… Et certaines espèces n’existent que dans les tourbières, c’est pour cela que ces milieux sont si importants. Il y a des tourbières de climats froids et humides, par exemple en France et dans le nord de l’Europe, mais aussi des tourbières tropicales, par exemple en Afrique équatoriale.

Mauvaise réputation

Les tourbières font partie, avec les terres agricoles et les milieux marins, des espaces naturels que l’être humain a le plus abîmé en Europe. « Ça ne date pas d’hier, explique Boris Brasseur. Dès la Révolution française, les tourbières ont mauvaise réputation. On les considère insalubres, sources de maladies, infestées de moustiques… On cherche donc à les assainir en les drainant. » Partout en France, nous avons ainsi créé des chenaux, des tranchées pour évacuer l’eau du paysage vers les rivières. Plus tard, on les a asséchées pour avoir plus de surfaces agricoles pour l’élevage ou pour planter du maïs.

C’est dommage parce que lorsqu’elles vont bien, les tourbières nous rendent de nombreux services. Ce sont d’abord des réserves de biodiversité, des oasis de vie alors que les champs cultivés européens sont épuisés et silencieux à cause de l’usage des pesticides et de l’arrachage des haies.

À lire aussiLes zones humides au Bénin, des alliées contre le changement climatique

Deuxièmement, les tourbières jouent un rôle d’épuration, de filtre. Quand l’eau d’un fleuve y passe, comme il y a beaucoup de végétation, l’eau avance lentement et les particules tombent au fond. Certaines plantes attrapent même certains polluants au passage, comme les phosphates ou nitrates.

Les tourbières servent aussi d’éponges quand il y a des inondations. Enfin, elles piègent de grandes quantités de carbone. Trente milliards de tonnes de carbone sont ainsi stockées par l’immense tourbière du bassin du Congo. On a donc tout intérêt à les préserver et les restaurer pour être mieux préparés face à la crise climatique.

À lire aussiPacte vert européen: inquiétudes autour de la loi sur la restauration de la nature