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L’IA Act, une régulation qui fait débat sur le salon VivaTech

Sur le salon parisien dédié aux nouvelles technologies, l’intelligence artificielle est le sujet de toutes les entreprises, comme levier de solutions ou déclencheur de projets. Tous veulent surfer sur la nouvelle vague, mais en Europe, l’IA Act entend réguler ce domaine prisé.

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Difficile de passer à côté. Dans les travées du salon VivaTech, qui se tient à la Porte de Versailles, à Paris, l’IA est de toutes les solutions technologiques présentées. Si on n’en comprend pas toujours l’utilité, à en croire les exposants, ce n’est jamais une futilité. C’est même devenu un engagement professionnel, pour Phillippe Lemaire, fondateur de Safebrain : « J’ai démarré en tant qu’expert cybersécurité et lorsque ChatGPT est sorti en novembre 2022, c’était pour moi comme une épiphanie. Je me suis dit deux choses : la première est que ça allait vraiment changer le monde et la manière dont les gens travaillent – en 20 ans, je n’ai jamais été étonné comme ça devant une techno – et ensuite, je me suis dit qu’il fallait impérativement pouvoir utiliser l’IA générative tout en préservant la souveraineté de nos données, que ce soit pour le pays et pour les entreprises. »

Les données, c’est bien l’enjeu majeur derrière ce nouveau bond technologique. Pourquoi ? « Parce que l’IA peut être d’une pertinence incroyable et donner des conseils dont on ne peut pas se passer, mais pour ça il faut lui donner des données et beaucoup de données que j’appelle des « données intimes », poursuit Phillippe Lemaire. On parle beaucoup des données personnelles avec l’IA, en fait, on lui donne des données importantes et précises qu’on peut considérer comme intime et ça il faut les sécuriser. Il faut faire attention à ce qu’on transmet et c’est pour ça qu’on a développé la solution SafeBrain, un ChatGPT pour les entreprises. »

« L’IA Act me fait penser à la loi RGPD »

L’IA Act, définitivement approuvé en début de semaine, promet de classer les IA en fonction de leur niveau de risque : inacceptable, élevé, limité et minimal. Les futures mesures de régulation vont varier en conséquence, avec une volonté de transparence : les utilisateurs doivent être informés lorsqu’ils interagissent avec une IA.

Mais d’autres implications sont à attendre pour les entreprises européennes : des coûts de conformité accrus, voire une complexité administrative, ce qui ralentirait l’innovation, avec comme conséquence un avantage compétitif pour les entreprises non européennes – essentiellement américaines. C’est un argument pointé par de nombreux acteurs dans le domaine dont ce chef d’entreprise croisé sur le salon : « L’IA Act me fait penser à la loi RGPD. Aux États-Unis, j’avais une entreprise dans la Silicon Valley qui tournait bien et on savait que l’Europe travaillait sur cette législation. Il y a alors eu des consultants [de grandes sociétés américaines, dont Meta] qui sont passés dans toutes les start-up de la Silicon Valley pour savoir ce qu’on voyait de bien et de moins bien dans le futur RGPD et ce qu’il faudrait pour qu’il ne pénalise pas trop les sociétés américaines. [Ces lobbyistes] ont fait leur liste de courses auprès de tous les startupers et les grosses sociétés américaines. » Il sourit : « Et l’intégralité de nos demandes ont été entendues par l’Europe, au bénéfice des entreprises américaines, et on savait très bien que ça allait être au détriment des Européens. Eh bien, l’IA Act, c’est exactement pareil. »

Ce n’est pourtant pas tout à fait dans ce sens que s’est engagé l’IA Act qui souhaite encourager l’innovation et soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) en leur offrant des exemptions ou des facilités pour se conformer aux règles. De plus, il promeut la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales pour harmoniser les normes et pratiques autour de l’IA (le résumé du projet de régulation est à lire ici).

« Il faut absolument que l’Europe ait des IA souveraines »

Chez SafeBrain, on observe avec réalisme l’arrivée de l’IA. « Il est évident que c’est un nouveau Far-West, il faut avoir conscience que les Américains utilisent [nos] données, on le sait depuis Edward Snowden, c’est un sujet majeur. On rentre dans le politique, on n’est plus dans la techno, alors est-ce qu’on considère qu’il faut protéger les données et ne pas les donner aux Américains, où est-ce qu’on considère que ce sont des alliés et peu importe ?, interroge Phillippe Lemaire, qui a sa petite idée : « Les prochains modèles d’IA n’auront en source d’entraînement que les informations que nous allons leur donner avec nos comptes [sociaux]. Il faut des données originales et ces données originales ce seront nos interactions avec les intelligences artificielles. Il ne faut pas être candides, il faut absolument que l’Europe ait des IA souveraines pour que les entreprises et les organisations publiques se protègent. »

L’avis est encore plus tranchant chez notre entrepreneur français : « Les grands américains que sont OpenAI ou Google travaillent d’arrache-pied sur l’IA et Apple va peut-être se lancer dans la course, mais en France, on a Mistral qui marche très bien et plutôt que de réguler, que de dépenser de l’argent dans un IA Act, si on donnait cet argent à Mistral pour en faire un champion, ce ne serait pas mieux ? »

Reprenant l’exemple du RGPD, il évoque le sort d’OVH, une entreprise de « cloud computing » : « On avait une boîte extraordinaire, qui existe toujours, mais on n’a pas travaillé ensemble pour mettre tous nos sous dans le même panier, pour faire d’OVH un champion européen, français de surcroît. On est à côté de nos pompes, on travaille pour les Américains. » Récemment, sur ce même sujet, Michel Paulin, PDG d’OVH France, regrettait justement « une précipitation sur l’IA qui semble précipitée, alors « qu’on est à peine en train de comprendre ce qui se passe dans le domaine. »

S l’IA Act européen, qui entrera en application en 2026, fait débat sur les stands de VivaTech, il n’a pas refroidi l’atmosphère, ni n’a fait d’ombre aux grandes annonces du salon. Une nouvelle start-up française d’intelligence artificielle générative baptisée H a en effet été lancée mardi, avec une levée de fonds de 203 millions d’euros auprès de gros investisseurs dont Bernard Arnault, Xavier Niel ou Amazon. 


Le salon VivaTech à la porte de Versailles. © Thomas Bourdeau / RFI

Source du contenu: www.rfi.fr

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